Critique publiée en juillet 2012

LE REVEIL DE LA REINE

Si Style avait l'ambition de renouveler la carrière de Namie Amuro, quelque peu perdue depuis la perte de son trône de la pop japonaise, il avait manqué le coche une fois la théorie mise en pratique. Il aura finalement fallu attendre un an et demi pour que la chanteuse nous livre un Queen of Hip-Pop dont le titre est parfaitement justifiée. Le virage vers des sonorités plus R&B est effectué et enfin complètement assumé. Pourtant, Namie a toutes les chances de conserver une bonne partie de ses fans, puisque ses chansons sont le résultat de la rencontre entre la pop et le R&B. D'où le Hip-POP (aaaaah... Oui bon, j'avais lu "hip-hop au début, moi...). Et oui, la pop hybride dont les artistes pop se vantent ces derniers mois existait déjà avant. Rachel Stevens et ses sons électr-isants, et Namie Amuro et ses sons R&B-isants vous le diront !



Là où Style était très hétérogène, Queen of Hip-Pop est extrêmement homogène. Toutes les chansons ont bénéficié d'un traitement similaire. Les singles qui ont précédé l'opus ne sont pas trompeurs, en dehors de la ballade classique qu'était ALL FOR YOU. Ça tombe bien : c'est l'ovni de l'album. On se demande vraiment ce qu'elle fiche là lorque ses premières notes retentissent tant elle tranche avec l'univers synthétique et R&Bisant des autres morceaux. Peut-être est-ce d'ailleurs la raison pour laquelle je ne l'ai jamais aimée. Après tout, elle est bien chantée et elle évite assez soigneusement de se montrer trop mielleuse ou dégoulinante. Il n'empêche qu'elle me paraît toujours aussi quelconque (je n'ai pas compris comment elle a pu se vendre plus que la sublime I WILL, toujours honteusement oubliée au fin fond d'un best-of que tout le monde a rayé de sa mémoire...). ALL FOR YOU mise à part, la recette est invariablement appliquée à des mid-tempos et up-tempos. Cela porte-t-il préjudice à l'album ?

Et bien non. On aurait pu penser que tout allait se ressembler, mais il se trouve que les titres se distinguent plutôt bien les uns des autres. On peut mettre cela sur le compte de la vitesse changeante du tempo, mais il y a autre chose. C'est comme si chaque piste avait eu une mission particulière à exécuter. Et elles l'ont toutes plutôt bien fait. Ainsi, pour commencer les réjouissances, Queen of Hip-Pop illustre la formule qui va être mise à l'oeuvre dans l'album : sur rythmique marquée appuyant une musique très synthétique, Namie utilise sa voix dans un registre légèrement plus grave que d'habitude. Cela lui va à ravir : non seulement sa voix n'a jamais paru aussi belle (difficile de croire que c'était elle l'adolescente qui s'égosillait sur la très dance Chase the Chance dix ans plus tôt !!!). Mais surtout, les chansons ne ressemblent en rien à ce qu'offrent ses consoeurs sur le marché de la J-pop. En d'autres termes, Namie a enfin trouvé son univers à elle. Et elle est prête à l'exploiter sous tous les angles.

Après cette entrée en matière plutôt réussie (sans être tubesque), on enchaîne quasiment "baffe sur baffe". D'accord, c'est une exagération, mais l'ensemble laisse définitivement une bonne impression. WANT ME, WANT ME est LA bombe de l'album avec sa ritournelle à corde, ses airs du Moyen Orient et son atmosphère on ne peut plus sexy et endiablée. Si vous voulez une comparaison, c'est un peu le I'm A Slave 4 U de Madame (mais à des années lumières du titre de miss Spears tant WANT ME, WANT ME est plus percutante). On n'a même pas le temps de se remettre que l'ambiance change radicalement avec WoWa, une chanson légère, enjouée, insouciante et presque cartoonesque, qui utilise un air sifflé et des refrains qui s'en donnent à coeur joie sur des "Wowo Wawa!". C'est répétitif, mais c'est original et entraînant. I Wanna Show You My Love renoue avec les sonorités urbaines et synthétiques de la première chanson, sur un rythme plus lent et des refrains en choeurs. On sent clairement l'influence venue des Etats-Unis. C'est certainement le titre qui penche le plus vers le R&B à mon humble avis. On repart vers quelque chose de plus léger avec GIRL TALK, qui, comme son titre l'indique, est très "girly". C'est plutôt doux. Je dirais même que c'est légèrement niais. Je vous avoue que je l'ai longtemps détestée, avant de finir par un peu apprécier ses refrains. Sur le single où elle figurait, il m'est d'avis qu'elle était éclipsée par The SPEED STAR, qui, à l'image d'I WILL, a totalement disparu des radars (il est vrai que GIRL TALK est plus approprié au son choisi pour cet album, mais quand même, l'autre A-Side n'aurait pas fait de mal à nos oreilles, loin de là !).

On arrive à la moitié de l'album avec Free, une piste qui applique la recette urbaine et synthétique déjà entendue à deux reprises. Pourtant, elle a son propre univers avec ses percussions en fond, ses couplets mystérieux, et son atmosphère plus sombre et froide. Elle est longtemps restée mon inédite préférée. Avec le temps, j'ai fini par la trouver moins imposante qu'un WANT ME, WANT ME. Reste que sur l'album, même les pistes les plus "simples" sont extrêmement bien ficelées. Aussi rendons à Free ce qui est à Free ! On continue dans ce même registre urbain-synthétique, avec MY DARLING, beaucoup plus dynamique et agressive que la précédente. A cette image, un rappeur vient régulièrement jouer de sa voix rocailleuse, et une guitare électrique s'assure du côté percutant de la chanson. La voix de Namie, toute douce, fait des merveilles pour contraster avec l'ambiance. C'est assurément l'un des points forts de la galette. C'est une claque pas très agréable que de basculer dans une ballade mielleuse lorsque l'on passe à UPS & DOWNS. On retrouve la même griffe que sur le reste de l'album, malgré la niaiserie ambiante. Ça s'écoute grâce à cette fluidité, mais je vous avoue qu'au contraire de MY DARLING, c'est le point faible de l'album. Reste que l'agencement est parfait puisque l'on peut enchaîner sans problème avec I Love You, le titre le plus pop de la fournée. C'est joyeux et dansant. Malgré ses airs très pop, ce morceau trouve largement sa place sur le CD sans dépareiller. Peut-être est-ce grâce à la dégoulinante UPS & DOWNS ? Quoi qu'il en soit, c'est donc encore une fois une piste de très bonne facture. C'est là qu'arrive la ballade ALL FOR YOU comme un cheveu sur la soupe. Mais passons...

Queen of Hip-Pop se finit sur une excellente note. Est-ce le signe d'un album incontournable ? En tout cas, j'ai rarement cette satisfaction en fin de CD, puisque les bombes sont souvent toutes au début, voire au milieu (c'est déjà plus rare ceci dit). De plus, on a quand même déjà eu le droit à WANT ME, WANT ME, WoWa ou encore MY DARLING. Pourtant, deux énormes bombes nous attendent là, juste au tournant pour la dernière ligne droite. On commence avec ALARM, le single qui a le plus floppé en terme de classements pour la chanteuse (#11... oui, bon, ça va...). Si je comprends que certains auditeurs la trouvent longuette (4 minutes avec un refrain assez répétitif qui revient pas moins de cinq fois), je lui pardonne amplement. Après Put 'Em Up, c'est quand même la chanson la plus ambitieuse que Namie ait sortie dans la lignée du "je-veux-faire-quelque-chose-de-plus-R&B". L'ambiance est sombre, et l'instrumentale synthétique et entêtante est divine. Mais pour finir sur une note encore meilleure, Namie a gardé une inédite intitulée NO en fin de galette. Elle provoque un effet aussi bombesque qu'ALARM. Elle est aussi sombre, et elle est beaucoup plus rythmée et énergique. Autant dire que l'on n'a pas le temps de souffler. C'est le feu d'artifice final ! Je regrette seulement qu'il y ait YES, une piste cachée, qui détruit NO pour devenir une réponse qui est une soeur cachée d'UPS & DOWNS (autrement dit, un truc niais et dégoulinant...) : c'est pourquoi il vaut mieux couper le CD une fois NO achevée. On n'a vraiment pas besoin du YES !



Conclusion : Queen of Hip-Pop ne ressemble pas aux autres albums de Namie Amuro. Il est certain qu'il n'appartient qu'à elle. Elle a trouvé une recette moderne et efficace, mélangeant habilement sonorités R&Bisantes et pop, qu'elle applique aussi bien sur des mid-tempo girly, des up-tempos endiablés, des chansons légères et enjouées, ou encore des titres beaucoup plus agressifs et sombres. Comme Style, Queen of Hip-Pop paraît extrêmement solide à premier abord. Mais contrairement à ce même album, QOHP conserve quasiment toute son aura sur le long terme. Bien sûr, tous les titres n'égalent pas un WANT ME, WANT ME, un ALARM ou un NO. Mais le travail fourni a été constant de A à Z. Finalement, le défaut de l'album, qui m'a particulièrement frappée lors de mes premières écoutes, est qu'avec toutes ses consonances urbaines et synthétiques, Queen of Hip-Pop peut sembler relativement casse-tête... Il n'empêche qu'il est supérieur à quasiment tous les travaux de l'artiste jusqu'alors.

Note : 9/10

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