Critique publiée en mai 2013
BON …MAIS PAS TROP QUAND MÊME

Le titre « play » (« jouer ») n’a pas été choisi au hasard. Apparemment, l’ambition première de Namie était de créer un album qui soit léger, varié, fun et accessible. C’est assez réussi, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il pourra dérouter les plus grands fans de son précédent opus, Queen of Hip-Pop qui était orienté vers des sonorités pop beaucoup plus agressives, urbaines, voire R&B par moment. Si les sons abordés par Play ont encore quelques touches R&Bisantes et/ou urbaines, l’ensemble se rapproche plus franchement de la pop pure. D’ailleurs, les douze pistes le composant sont plus variées que sur Queen of Hip-Pop, sans pour autant être aussi différentes (voire incohérentes) que sur Style. Ceci n’est pas un reproche. Au moins, ce nouveau travail ne ressemble pas aux précédents, et il témoigne bien de la volonté de Namie de toujours faire évoluer sa musique (à de rares exceptions près). Que nous réserve donc concrètement le cru 2007 ?
On retrouve tout d’abord certains des singles précédents. Le premier de la liste est CAN’T SLEEP, CAN’T EAT, I’M SICK (que l’on se plaira à renommer CSCEIS…). J’ai personnellement eu très peur lorsque ce single est sorti. S’il conserve quelques airs R&B, en surfant sur un style faussement rétrospectif comme le faisait Jennifer Lopez à cette époque (trompettes, choeurs…), j’ai toujours trouvé le résultat répétitif et fade. J’ai été plus convaincue par la copie que Namie s’est empressée de sortir en single, la déjantée et cartoonesque FUNKY TOWN. Pourquoi ? Eh bien parce que justement, elle est plus fun, plus légère, et peut-être plus appropriée à l’album (c’est comme si CSCEIS avait l’ambition d’être un gros tube qu’il n’était pas, alors que FUNKY TOWN ne se prend pas pour plus que ce qu’elle est : un titre sympathique à écouter, mais pas franchement inoubliable). Mais au moins, ces deux chansons véhiculent bien une ambiance festive plaisante. On pourra d’ailleurs ranger l’inédite Step With It!! dans le même panier, dans un genre plus synthétique et clinquant (trompettes, percussions, choeurs masculins en fond, petit décompte en espagnol…). Je crois que c’est la piste calibrée pour s’amuser que je préfère, même si comme ses deux soeurs, elle est finalement aussi agréable qu’oubliable sur le long terme. Dommage pour la pérennité !
D’autres morceaux sont plus agressifs et dynamiques, à commencer par l’inédite It’s All About You, qui y va franco en sortant la batterie et la guitare électrique. Namie se plaît même à parler de manière de plus en plus rapide sur les couplets. On pourra penser de loin à de vieux essais de ce genre dans son répertoire (la moyenne mais marquante PLEASE SMILE AGAIN de 2000 ou encore l’excellente Concentration 20 [make you alright] de 1997). Malheureusement, le résultat tombe à l’eau. La chanson n’est pas mélodique pour un sou et le travail produit dix ans auparavant par TK pour la chanteuse est bien plus convaincant dans ce genre. L’autre chanson voulue plus rock est Violet Sauce (Spicy), une « réécriture » de la chanson du même titre, sortie en single fin 2005. Cette version plus rock de la chanson thème japonaise du film Sin City gagne en punch mais perd en atmosphère sombre. La guitare et la basse noient complètement les instruments plus aigus et les violons ! Et il m’est d’avis que le rythme urbain allait tout simplement mieux au débit de paroles ainsi qu’à la voix douce de la chanteuse. On s’en rend bien compte lorsque le passage à l’ancienne, à la fin de la chanson, semble soudainement soulager nos oreilles ! Dommage ! Sinon, il y a Top Secret (chanson thème de la série Prison Break au Japon). Cette piste a clairement la mission de remplacer l’ancienne Violet Sauce dans le rôle de la piste urbaine percutante …sauf qu’il lui manque malheureusement ce quelque chose qui la ferait décoller (une instrumentale plus affirmée, avec un rythme plus appuyé ?). Par conséquent, même si elle est agréable, on finit par pester contre le potentiel inachevé (les ponts, le parlé/murmuré, les choeurs mystérieux en fond, la bonne rythmique parfois de passage…), plutôt que par se laisser prendre au jeu. Et puis, les refrains sont trop répétitifs sur le long terme. Dans le même genre de chansons à fort potentiel, il y a aussi la froide et mystérieuse Full Moon, qui, en dépit d’excellents passages (les refrains qui alterne électro et percussions), tombe un peu à plat (instrumentale trop dépouillée ?).
En fait, Namie réussit son affaire plus facilement sur les mid-tempos, voire sur les ballades. Et encore ! C’est ouvert à discussion. Par exemple, HELLO est le mid-tempo léger et doux qui veut certainement succéder à GIRL TALK du précédent album. D’ailleurs, je la trouve plus agréable (peut-être grâce à la musique plus électro-synthétique et remplie). Mais là encore, ce n’est pas un titre qui s’écoute en boucle, puisqu’au contraire, il perd de sa superbe assez rapidement. Même combat pour la ballade Should I Love Him? qui pourtant bénéficie d’une ambiance rêveuse convaincante et d’une bonne interprétation. Jamais trop niaise, jamais trop grandiloquente, en fait, cette chanson est tout à fait charmante. Mais elle se noie vite dans le reste de l’album, sans que l’on pense à l’écouter lorsque l’on réfléchit au long répertoire de Namie. Et c’est dommage, parce qu’en soi, cette ballade me paraît plus remarquable que la moitié de l’album. Restent finalement deux mid-tempos plus efficaces : la très douce, mielleuse et enjouée Baby Don’t Cry, qui pourra faire penser à la merveilleuse Four Seasons (sans l’égaler !), mais qui traîne malheureusement beaucoup à la fin ; et surtout, la piste de fin, Pink Key, qui telle Shoud I Love Him? est un peu injustement oubliée, et qui, telle HELLO surfe plutôt bien sur une ambiance synthétique légère, tout en se payant le luxe d’être plus percutante (rythme plus marqué, refrains au débit rapide et entêtant).
Mais au final, que nous laisse vraiment PLAY ? Pas grand chose en ce qui concerne la longévité. La plupart des chansons figurant sur cet album, aussi agréables et soignées soient-elles, tombent dans le fin fond de l’immense répertoire de Namie Amuro ! C’est d’ailleurs vraiment dommage pour certaines inédites qui méritaient peut-être plus d’exposition, à l’image de Pink Key (meilleure que HELLO qui a bénéficié d’un clip vidéo promotionnel) ou de Should I Love Him? (ballade charmante et plus digeste qu’un grand nombre de slows de la chanteuse…). En fait, quand on pense à PLAY, on ne pense pas à l’ensemble de la galette, à sa variété plaisante, et à sa légèreté pop agréable. Non, on ne pense qu’à une chanson : HIDE & SEEK, qui est de très loin LE tube de l’album, et finalement la seule chanson capable de laisser son empreinte. Et ce n’est pas parce qu’il s’agit de la piste d’ouverture, mais bien parce que c’est une bombe de A à Z. Avec ses airs de cirque (trompettes, sifflets, cymbales), son instrumentale déjantée alliant électro et sonorités qui « partent dans tous les sens », elle est totalement originale et hypnotique. Ajoutez-y une mélodie qui ne s’arrête pratiquement jamais, et vous obtenez certainement la piste la plus inspirée et la plus aboutie de la galette. Dommage que le reste des chansons n’ait clairement pas été de ce calibre !
Conclusion : PLAY est un album plutôt réussi. Impossible de le nier. Il se différencie immédiatement des précédents travaux de la chanteuse. La qualité est régulière (pas de grosses bouses à l’horizon). Les chansons sont variées et toutes relativement faciles d’accès (finies les sonorités urbaines pouvant devenir casse-tête de Queen of Hip-Pop). Malheureusement, aussi parfaitement exécutées qu’elles soient, elles échouent à faire grande impression. Si l’album s’écoute sans problème, on peut se surprendre à zapper nonchalamment toutes les pistes, à la recherche d’une vraie bombe, qui ne vient pas, et qui ne viendra jamais puisqu’elle figurait toute seule en ouverture de l’opus !
Note : 7/10
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