Critique publiée en juin 2012
TOURISME

Il peut s'en passer des choses en un an ! C'est certainement ce qu'a dû se dire Namie Amuro. Quand elle revient après 12 mois d'absence, deux nouvelles chanteuses sont en train de devenir les idoles des jeunes (Ayumi Hamasaki d'un côté et Hikaru Utada de l'autre). Si Namie est plutôt bien accueillie à son retour, elle aura tout le loisir de constater qu'elle ne fait pas le poids face aux nouvelles et que ses ventes sont loin d'être ce qu'elles étaient. En fait, à chaque nouvelle sortie, elle se voit glisser peu à peu loin du top des classements, ses chiffres dégonflant au passage. C'est comme si elle n'avait plus sa place dans la pop dynamique dont elle était devenue la star incontournable (il faut dire qu'une partie des gens devait déjà la voir comme morte et enterrée depuis qu'elle avait connu les joies de la maternité et qu'elle n'avait donc "plus sa place sur scène" -ce n'est pas moi qui le dis hein). C'est certainement ce qu'a pensé son producteur (toujours TK), puisqu'il lui a fait enregistrer des titres globalement bien plus calmes et sérieux que ce à quoi la chanteuse avait habitué son public. On sent aussi que une certaine influence en provenance des Etats-Unis avec des refrains lorgnant sur le R&B du point de vue du débit des paroles, plus traînant, plus grave, plus saccadé et avec une overdose d'anglais. D'ailleurs, le single Something 'bout the Kiss est une parfaite illustration du phénomène et incontestablement le plus grand représentant de la couleur de l'album. Ce qui est d'autant plus étrange puisqu'il n'avait pas spécialement rassemblé les foules.
S'il y a un style et une ambiance plus définie qui se dégage de cet opus, comparé à l'excellent Concentration 20, il est regrettable de perdre la variété pour des pistes tout juste sympathiques et certainement pas mémorables. En effet, j'ai l'impression que toutes les démos mid-tempo que TK avait sous la main ont fini sur Genius 2000 sans qu'une vraie recherche ou qu'un travail spécifique ait lieu spécialement pour Namie. Vous allez me dire que ce n'est peut-être qu'une impression. Certes. Mais toujours est-il que rien de tout cela ne se rapproche d'une quelconque façon des styles que la chanteuse avait déjà abordés. Vous allez alors peut-être me dire que c'est plutôt une bonne nouvelle et qu'elle se renouvelle, là où elle aurait pu tomber dans le piège de la redite afin d'essayer déséspérément de rappeler ses anciens fans. Oui, ce n'est pas faux. Au moins, il est certain que Namie a continué d'avancer la tête haute. Le problème, c'est qu'elle nous livre un album sans consistance, sans vie, sans âme, sans tube. Rien. Non, je n'ai jamais apprécié Genius 2000. Je le trouve fade et transparent. Rares sont les moments où la magie opère. L'album se divise grosso modo en deux catégories : les mid-tempos/up-tempos américanisés et les ballades (oui, les ballades signent leur grand retour dans l'univers de la chanteuse, sûrement une conséquence du succès titanesque de CAN YOU CELEBRATE?). Et puis, il y a le reste, c'est-à-dire quelques chansons plus pop perdues dans ce dialogue.
Je commence donc avec les mid-tempos et quelques up-tempos que j'ai appelés R&Bisants. Ne vous imaginez pas du vrai R&B. C'est toujours de la pop. Mais c'est simplement "moins pop" qu'avant tant la diction est clairement empruntée à un genre bien précis. Something 'bout the Kiss était un single assez intéressant de par son atmosphère mystérieuse et ses refrains traînants. C'était une chanson froide, sérieuse et tristounette. Elle faisait son petit effet, sans paraître aussi charismatique que (ne-serait-qu'un) How to be a Girl. Le syndrome des refrains traînants et américanisés frappe malheureusement sur une énorme partie de l'album, que ce soit sur des chansons voulues plus mignonnes ou plus fortes et indépendantes. On y a ainsi droit sur la nonchalante Leavin' for Las Vegas, sympa sur le coup, mais vraiment trop répétitive de la première à la dernière note ; sur la très niaise Still In Love à l'instrumentale rythmée trop basique ; et enfin, la très pop et entraînante Next To You qui rappelle Janet Jackson, mais qui reste un modèle inférieur aux succès de la chanteuse citée. C'est loin de faire mouche. En fait, il se trouve qu'en dehors de Something 'bout the Kiss qui reste agréable à l'écoute, seule Next To You peut se révéler assez plaisante, tout en donnant l'impression que Namie a posé sa voix sur un morceau qui ne lui appartenait pas, et qu'elle n'est jamais parvenue à véritablement se l'approprier.
Viennent ensuite les ballades. Elles sont au nombre "impressionnant" de 5. Pour la chanteuse, c'est beaucoup ! Après tout, on se souvient tous du résultat sur Sweet 19 Blues. Le bal n'est ouvert qu'à partir de la piste 6, avec I HAVE NEVER SEEN, le single de come-back de Namie. C'est une ballade à l'instrumentation assez simple : un piano pour base, une batterie pour le rythme et une guitare électrique pour dynamiser les refrains. Même si le tempo reste lent, une certaine énergie se dégage du titre. Autant dire que l'on est finalement assez loin d'un CAN YOU CELEBRATE? ou même des précédents slows de la demoiselle. Mon problème avec I HAVE NEVER SEEN vient malheureusement de ses refrains répétitifs et trop hauts pour la voix de Namie. Sans qu'on court droit au massacre, ce n'est pas très doux pour les oreilles. C'est finalement dommage dans le sens où les couplets ont quelque chose de très plaisant. Au moins, elle a essayé... YOU ARE THE ONE veut se la jouer grande ballade. Pour tout vous dire, pour moi, c'est un titre qui surfe sur la vague des We Are The World de Michael Jackson. La chanson est donc très ancrée dans les années 90, et si elle est jolie à premier abord, on finit par grimacer lors de la deuxième moitié du refrain plus haute et intense. Vocalement, c'est très moyen. Et puis, le morceau traîne beaucoup trop en longueur si bien qu'il peut finir par devenir totalement insupportable. L'album finit par un salve de ballades aussi fades et soporifiques les unes que les autres : Things I Collected qui se veut langoureuse mais qui fait bailler, Asking Why qui a le mérite d'être mignonne et réussie vocalement mais qui ne restera pas dans les annales, et enfin Give It A Try qui laisse dans l'indifférence totale après les deux précédentes, même si elle semble sincèrement interprétée. C'est bien fade tout ça. En d'autres termes, si on n'échape à la catastrophe kitsch du premier album, notamment grâce à des instrumentales légèrement moins kitsch et dépassées, et grâce à une meilleure maîtrise vocale de la part de l'interprète, même B w/z you sur Concentration 20 avait plus de caractère. Evidemment, ne parlons pas de l'excellente CAN YOU CELEBRATE? qui est à des années lumières des cinq ballades de Genius 2000 réunies.
Restent les chansons qui ne vont dans aucune des deux catégories. Il y a tout d'abord le single LOVE 2000 qui fait figure d'ovni et se veut légèrement futuriste et inquiétant avec ses sonorités électroniques discrètes mais non négligeables. L'instrumentale se repose beaucoup sur son rythme avec une batterie qui s'en donne à coeur joie sans arrêt. Pour une chanson qui faisait référence au passage à l'an 200, je trouve l'ambiance particulièrement froide et pessimiste, notament à cause d'une mélodie agitée. (Sans parler du clip vidéo lui aussi assez négatif avec tous ces écrans partout). Apparemment, Namie n'était pas très enthousiaste quant à l'avenir ! Mais LOVE 2000 est malgré tout la meilleure chanson de l'album à mes yeux. Son défaut est de traîner en longueur à la fin, mais c'est une piste rythmée, intéressante et parfaitement mise en musique. Il y a ensuite Respect the Power of Love, dans un genre beaucoup plus enthousiaste (mais dans un contexte terriblement noir pour la chanteuse...), avec des choeurs gospel. On se laisse facilement emporter par les refrains enjoués, merci le travail vocal surprennamment bon. Mais il lui manque un petit quelque chose et elle dure un peu trop à la fin. En milieu d'album, Mi Corazon (te' amour) change radicalement d'ambiance avec ses airs latino. C'est simple (même kitschounet aujourd'hui) mais entraînant et accrocheur. Je pense que c'est la meilleure inédite, surtout qu'encore une fois, le travail vocal est quasiment irréprochable. On ne pourra pas en dire autant de KISS-AND-RIDE, plate et lente, très lente, trop lente... La mélodie est quasiment la même pendant toute la chanson, sans aucune variation en dehors des quelques phrases parlées en milieu de piste. Et puis la voix de Namie est passée au mixer synthétique du début à la fin, ce qui finit par devenir lassant. Autant dire que c'est parfait si vous vous voulez vous accorder quelques minutes pour somnoler.
Enfin, j'ai oublié de vous parler des deux interludes, qui ne sont pas vraiment des interludes : elles servent à ouvrir et à clore l'album. La première est bruyante, mais sert très clairement à nous plonger dans l'ambiance "futuriste" de LOVE 2000. En effet, c'est un mélange de sons synthétiques et électroniques, qui rappellent les anciennes connexions à internet avec les petits bruitages. Lors des dernières secondes, les sons ralentissent et s'alourdissent pour mieux laisser exploser la batterie de LOVE 2000. Je pense qu'il est finalement bien dommage que l'album n'ait pas exploré ces sonorités et cette ambiance là sur tout une section. Après tout, l'introduction sert à la chanson, mais pas vraiment à l'album. Même combat pour Log Off qui achève au piano uniquement le combo de ballades finales, avec une meilleure mélodie et atmosphère... (De quoi leur mettre la honte une bonne fois pour toutes). D'accord, c'est méchant. En fait, on pourrait penser qu'avec ses quelques sonorités synthétiques, Log Off vient contredire Make the connection complete, car elle dégage quelque chose de bien plus optimiste et léger que la fameuse introduction, qui était finalement relativement sombre. Mais cela me paraît être poussé un peu loin dans le sens où toutes les pistes qui se trouve entre ces deux instrumentales ne correspondent pas du tout au concept qu'elles proposent (en dehors de LOVE 2000 bien sûr). Je préfère donc rester sur ma première théorie et répéter que LOVE 2000 aurait dû donner naissance à d'autres chansons du même genre, surtout que le titre de l'album surfe aussi sur la vague de l'an 2000. Autant pousser le délire jusqu'au bout !
Conclusion : Genius 2000 est un album décevant à bien des titres. Pour marquer le grand retour de l'ancienne reine de la J-pop, il est bien trop sérieux et calme. Pour du Namie Amuro, il est trop inconsistant avec le passé. L'évolution, c'est bien, mais si la chanteuse ne peut même pas s'approprier un minimum ce qu'elle chante, c'est déjà moins bien. Et puis pour un album pop, il est bien trop fade. En fait, il est même difficile à écouter. Les ballades sont soporifiques. Les chansons R&Bisantes se ressemblent, et à vouloir être traînantes, elles ne sont pas du tout accrocheuses. Enfin, les autres titres se retrouvent parachutés dans ce drôle d'ensemble sans grande cohérence. Et même si elles sont déjà meilleures, elles durent souvent trop longtemps et on a envie de les couper avant d'en avoir fait l'écoute entière. Il faut donc s'accrocher pour procéder à l'écoute intégrale du CD. On a l'impression qu'il dure 2 heures à lui tout seul. De plus, il n'y aucun vrai tube pour rattrapper cette impression. Ce qui est rageant, c'est que c'est sur cet album que Namie délivre alors son meilleur travail vocal. Elle est nettement plus juste et même plus puissante qu'avant. On sent l'évolution de sa voix et de sa maîtrise, (même s'il reste encore un certain nombre de passages délicats). C'était donc une mauvaise période et une mauvaise passe où Namie avait visiblement besoin de redéfinir sa place sur la scène Jpop et le style qu'elle souhaitait représenter.
Note : 2/10
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