Critique publiée en septembre 2013

QUAND ON TOMBE, ON NE PEUT QUE SE RELEVER !

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Je fais partie des aigris qui n’ont absolument pas apprécié Uncontrolled, le précédent opus de Namie Amuro. Aussi, en dépit de mon admiration de longue date pour la chanteuse, j’avais de grosses réserves en la voyant annoncer un nouvel album seulement un an après le précédent. D’autant plus que ce timing rapide a toujours été très rare chez elle. Fait tout aussi troublant : Feel n’a été précédé que par un seul et unique single (Big Boys Cry/Beautiful), qui a eu un succès modéré, un peu décevant par rapport aux standards de Namie ces dernières années. Même s’il était certain qu’elle allait nous bombarder de clips vidéo promotionnels, il n’en restait pas moins qu’au Japon, un album est quand même bien souvent précédé de plusieurs singles, aux sorties étalées sur de longs mois, afin de bien préparer le terrain. Namie, était-elle tombée sur la tête ? Évidemment, non. Il se trouve qu’elle continue simplement à mener sa carrière comme elle l’entend, au gré de ses envies. La bonne nouvelle, c’est qu’avec un seul single le précédent, dont une A-side qui a été exclue de l’album, on ne se retrouve pas dans le même cas de figure que l’année dernière. Après l’album-quasi-best-of, Namie nous offre un album quasiment inédit à 100% ! A-t-elle retrouvé l’inspiration pour se renouveler au passage ?



On pouvait quand même le craindre. En effet, il m’est d’avis que si Big Boys Cry/Beautiful n’a pas fait un raz-de-marrée, c’est peut-être en partie parce qu’il ne fait qu’un nouveau bis repetita de choses déjà proposées par la chanteuse. Ainsi, Big Boys Cry était le mid-tempo mielleux typique, ressemblant à un mix des sympathiques WoWa (2005) et HELLO (2007). Quant à Beautiful, ici absente, c’était une ballade, certes toute jolie et bien interprétée, mais aussi très classique et scolaire. Autant dire qu’en mars, j’avais peur de finir par ne plus du tout m’intéresser à la musique de ma chère Namie. C’était sans compter sur l’arrivée des clips vidéo promotionnels, qui n’ont pas fait de la redite de chansons passées. Au contraire, avec Feel, la chanteuse a visiblement décidé d’approfondir son style « occidentalisé ». Vous vous souvenez des quatre inédites d’Uncontrolled ? Eh bien, c’est l’intégralité de Feel qui se range dans ce genre moderne et « occidental ». Je sais que ce dernier terme peut paraître vague pour les non connaisseurs de J-pop. Ce que je veux dire par là, c’est qu’habituellement, les chansons de Namie ont ce petit quelque chose qui les classe immédiatement dans la catégorie pop japonaise (en plus d’une signature sonore propre à Namie, qui a depuis longtemps trouvé ses marques dans l’industrie musicale nippone). Or, ici, en dehors de deux titres, tout pourrait sortir aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qu’on n’y verrait que du feu.

Le maître mot de cet opus semble par conséquent être l’accessibilité. Il est facile, fluide et agréable. Il ne révolutionne rien du tout. Il ne fait que se ranger avec une insolente efficacité dans l’air du temps. Aussi, je ne m’avancerai pas sur ce qu’on en retiendra sur le long terme. Mais toujours est-il que pour 2013, c’est une bonne pioche. C’est même une très bonne pioche. Si Namie semble délaisser ses sonorités habituelles, elle se fait plaisir et cela s’entend au résultat. Le projet est tout à fait cohérent. Bien sûr, le syndrome, c’est qu’on n’entend quasiment jamais la griffe de la chanteuse. Qui aurait imaginé Namie chanter les titres dance Alive ou Heaven ces derniers temps ? Pas moi en tout cas ! Oui, je regrette quand même des albums comme Queen of Hip-Pop ou Past < Future qui lui appartenaient bien plus d’une certaine façon. Mais s’il faut qu’elle aille faire un tour de l’autre côté de l’Océan Pacifique pour se ressourcer et se retrouver, je n’y vois pas d’inconvénient, surtout si cela nous évite un nouvel Uncontrolled. Peut-être était-ce finalement la meilleure décision qu’elle pouvait prendre pour aller de l’avant. Et puis, dans un sens, son album se différencie forcément de ce qui sort au Japon avec son abondance de sonorités occidentales jusqu’au bout des ongles.

Occidentalisé ou pas, Feel est un très bon album. S’il est déroutant lors des premières écoutes pour les oreilles habituées à la carrière de Namie, cela ne lui retire en rien ses qualités. La plupart des pistes ici présentes sont extrêmement agréables. Toutes les rencontres n’étant pas excellentes, je vous conseille de passer à côté de Alive, piste dance à l’atmosphère mystérieuse plaisante, mais qui manque d’un vrai refrain. Épargnez-vous aussi la ballade Let Me Let You Go, qui pourrait blesser vos oreilles pour deux raisons : l’accent anglais douteux de Namie, mais surtout sa façon de s’égosiller en y laissant allègrement des fausses notes… Enfin, puisqu’il fallait une bouse, la chanteuse vous a concocté Can You Feel This Love?, une horrible niaiserie répétitive et horripilante. C’est dans ce genre de cas que je me dis que finalement, c’est bien aussi quand elle sort du registre J-pop, parce que merci, mais non merci ! Y’en a marre de ce genre de titres ! Dans un style similaire, Big Boys Cry est plus mignon et digeste, même si sa ressemblance avec WoWa lui retire toute fraîcheur et le rend dispensable.

Mais haut les coeurs, car le reste est très bon, mes amis ! Vous y trouverez bien chaussure à votre pied, que ce soit dans une piste aux sonorités très jeux-vidéo comme l’excellente Rainbow incrustée de dub step, les percussions contagieuses d’un Hands On Me bien senti, l’efficacité dance tout en simplicité d’un Heaven convenu, la rythmique hypnotique d’un Poison surdosé en vocoder, la mélodie imparable de la très réussie et enjouée La La La, ou encore la joie et la classe d’un Stardust In My Eyes qui a de grands airs de pop britannique (ceci est une énormissime compliment, même si les refrains de la dite chanson sont malheureusement un peu trop casse-tête, mais certainement moins que si c’était chanté par Cheryl Cole…). Même le délire dance bourrine, totalement cheap et inattendu qu’est Supernaturel Love, où Namie chante avec la voix d’une gamine de 15 ans, finit par se révéler accrocheur. Et puis, je n’ai pas encore mentionné LE morceau de l’album, à savoir la joyeuse et légèrement planante CONTRAIL, qui résume finalement bien l’esprit de Feel : bien chantée, enjouée, facile d’accès et meilleure à chaque écoute.



Conclusion : Quand on écoute Feel, on n’écoute pas forcément du Namie Amuro, mais simplement de la pop au goût du jour. On peut le regretter, mais on peut aussi l’apprécier. C’est moderne et de bonne facture. Et finalement, on ne lui en demande pas plus. Après tout, on dispose là d’un très bon album, qui s’écoute toujours aussi bien presque trois mois après sa sortie. Namie a retrouvé toute ma confiance, moi qui la croyais coincée en 2010. Si le prochain est aussi efficace, ce ne sera pas de refus. Mais s’il pouvait aussi être plus long, cela m’arrangerait, parce que le seul vrai défaut de Feel, c’est peut-être bien sa durée revue à la baisse pour du Namie. En J-pop, 42 minutes, c’est court !

Note : 8/10

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