Critique publiée en juin 2012
UN ALBUM HAUT EN COULEURS

Pour commencer, les erreurs passées ne sont pas réitérées. Adieu les remixes des singles ! Adieu l'overdose de ballades ! A croire que Namie (ou son producteur fétiche TK) a compris qu'elle opérait mieux dans un registre plus dynamique et que ses succès étaient des succès parce qu'ils étaient très bien comme ils étaient. Mine de rien, c'est déjà une belle avancée, surtout que l'accueil du premier album aurait pu conforter la maison de disque dans sa stratégie. La réalité fut tout autre. En fait, les choses sont très simples : Concentration 20 ne ressemble absolument pas à Sweet 19 Blues. Alors que le premier avait mélangé des remixes des singles, beaucoup de ballades similaires et quelques rares nouveaux up-tempos, le second ne jure que par un seul mot : variété. C'est toujours de la pop, mais elle a désormais différents visages. Certains ont peut-être trouvé que Namie avait perdu son style dance des premières heures et qu'elle semblait perdue au milieu de toutes ces influences. Pour ma part, je pense qu'elle livre un patchwork solide et convaincant où se côtoient dance, ballades, rap, pop rock, pop pure, reggae et j'en passe. J'ai rarement écouté un album aussi varié. Et j'en redemande encore aujourd'hui.
Il me serait difficile, si ce n'est pas impossible de faire une critique où regrouper plusieurs pistes tant elles diffèrent toutes les unes des autres, même quand elles officient dans un genre assez proche. Chaque chanson a sa propre identité. Aucune d'entre elle ne se retrouve noyée à cause d'une autre à l'aura plus écrasante. Certes, l'ambiance générale est difficile à cerner. Mais l'hétérogénéité a tout bon ici. La seule solution pour détailler mon impression est donc d'aborder les pistes une par une. Mais d'abord, autant glisser un mot sur la voix de la chanteuse, puisque c'était l'un des points délicats du premier album. En effet, si vous avez lu ma critique de Sweet 19 Blues, j'expliquais qu'en dehors des remix ou de la musique dépassée aujourd'hui, la voix criarde et pas très juste de Namie pouvait rebuter l'auditeur. En 1997, son "problème" vocal est toujours d'actualité, même si elle me semble globalement s'être améliorée (ou alors, certains des styles abordés collaient mieux à sa voix haut perchée). La voix de la chanteuse me paraît donc plus abordable sur cet album que sur le précédent, même si des grimaces seront certainement occasionnées (A walk in the park, Whisper ou encore CAN YOU CELEBRATE? pour ne citer qu'elles). Nous pouvons désormais nous attaquer aux 12 pistes qui consitutent ce Concentration 20 (11 sans compter l'interlude, ce qui nous donne un score égal au premier opus, mais avec moins de ballades dans le lot !) :
(1-3) L'album s'ouvre sur Concentration 20 [make you alright] qui permet à Namie de mettre les choses au point immédiatement. Avec cette piste pop rock industrielle, elle se présente sous un jour qu'on ne lui connaissait pas. C'est toujours dynamique, mais l'instrumentation beaucoup plus clinquante (batterie percutante, guitare électrique) est une nouveauté ; elle me rappelle d'ailleurs parfois les musiques du Cinquième Elément (ne me demandez pas pourquoi, mais cela doit venir de cette batterie omniprésente). Les refrains en anglais et en choeur, qui avaient fait des merveilles sur LET'S DO THE MOTION, sont de retour pour une nouvelle réussite. Le changement est radical, mais le résultat est des plus convaincants. J'ai même regretté que le deuxième couplet ne soit pas plus long et que la chanson se finisse après le deuxième refrain. On enchaîne avec B w/z you, une ballade qui n'en a pas l'air si l'on se fie à son introduction plutôt rythmée et électronique. Mais le premier couplet étouffe rapidement l'électronique pour faire revenir guitare et piano. Ça sent les années 90, mais c'est nettement moins kitsch que sur le premier album (Ouf ! Ils ont abandonné la trompette !). La chanson est plutôt mignonne, même si le middle eight briard en fera grimacer plus d'un... Sans être un coup de coeur, c'est un net progrès par rapport aux précédentes pistes lentes que nous avait offertes la chanteuse. Sûrement inquiète de trop déstabiliser son public de la première heure, Namie renoue avec les sons dance, (tout en conservant sa nouvelle amie la guitare électrique), sur Close your eyes, Close to you. Si la mélodie n'est pas aussi fédératrice qu'un Chase the Chance, car moins "allumée", le morceau reste efficace, notamment grâce à une instrumentation aux petits oignons (bien sûr, aujourd'hui, c'est totalement dépassé, mais on sent quand même le soin apporté aux arrangements et à la production).
(4-6) La piqûre de rappel effectuée, la chanteuse repart vers de nouveaux horizons sur un mid-tempo très léger et sympathique. Il s'agit de Me love peace!!, une piste aux tendances très reggae. C'est surprenant, mais la qualité instrumentale étant indéniable, on se laisse très facilement prendre au jeu. Là encore, si l'on ne peut pas parler de refrains tubesques, l'ambiance enjouée peut facilement avoir raison de l'auditeur. En ce sens, la transition vers No Communication, la piste la plus pop de l'album, est parfaite. On reste dans des airs joyeux et on les amplifie. C'est ensoleillé et enthousiaste. A premier abord, elle peut sembler très fade, mais au fur et à mesure, elle gagne en force, notamment grâce à ses refrains qui s'emportent en hauteur et rapidité, ainsi qu'aux parties scandées simples mais efficaces ("No communication! Do communicate!"). Toujours aucune bombe en vue, mais pourtant, l'album reste constant et plaisant. Arrive alors A walk in the park, single au succès que l'on connaît. Mais... mais c'est quoi cette introduction rallongée ? En soi, je n'ai rien contre le fait de faire durer le plaisir plus longtemps, la musique étant hypnotique à souhait. Mais la piste pop rock devient une piste pop dance. S'il n'y a pas de massacre comme sur le premier album, il y a quand même remaniement d'un single ! Quelle salle manie ! En tout cas, le positionnement de la piste est stratégique : on place un succès et des sonorités dance après deux morceaux au style nouveau pour la chanteuse. (Stratégie d'ailleurs utilisée tout au long de l'album). La bonne nouvelle, c'est que A walk in the park conserve son charme (et ses canards toutes les dix secondes...) une fois l'oreille habituée.
(7-9) Alors que l'on a écouté notre dose de dance, on est de nouveau lâché dans la nature pour découvrir la deuxième ballade du CD. C'est la très jazzy et sobre To-day. C'est aussi une piste qui a l'air très vieillote aujourd'hui. Et puis de toute manière, la voix de Namie n'est pas vraiment adaptée à ce registre de ballades sérieuses. Si le soin apporté à la musique est évident, la chanson reste monotone et fade comparée au reste de l'album. C'est à mes yeux le point faible du CD, et sa transparence donne même envie de la zapper. Heureusement l'autre nouveauté est bien plus réjouissante. Storm hérite très certainement de Joy (l'interlude rap, devenue grande en face B de Sweet 19 Blues). On a donc affaire à une piste aux sonorités résolument urbaines. La basse est lourde et régulière. On a même droit à des scratches tout au long du morceau. Namie se fait plaisir avec des couplets en mode rap intégral. Et figurez-vous que les sonorités de la langue japonaise sont parfaitement mises à profit (encore mieux que sur LET'S DO THE MOTION par exemple). Les refrains sont originaux en étant à moitié chantés, à moitié scandés. Certains trouveront peut-être le morceau étrange, mais pour moi, c'est encore un très bon moment en perspective, à défaut d'être une bombe. Oh, mais vous avez vu ?! C'est la piste 9 ! C'est l'heure des médicaments dance ! Et c'est effectivement le cas, puisque la très dynamique Whisper se charge de faire bouger la foule. La musique est très dynamique grâce à un cocktail détonnant : batterie clinquante, guitare électrique, rythmique dance en provenance directe des années 90 (vous savez, le synthétiseur qui joue régulièrement les mêmes notes). L'ambiance est assez mystérieuse et la mélodie s'y prète bien. Le seul problème, s'il a lieu, viendra de la voix de la chanteuse : forcément, avec des refrains plaintifs, hauts et traînants, il y avait de quoi faire des ravages vocaux...
(10-12) Après notre réajustement dance, on peut conclure tranquillement l'album. C'est le moment opportun pour balancer une ballade ou un tube. Et bah tiens, pourquoi pas les deux ?! Attention, préparez vos kleenex ! Voici CAN YOU CELEBRATE?, la ballade mythique de Namie Amuro, même 15 ans après. Accordez-vous plusieurs écoutes, ça en vaut vraiment la peine. A premier abord, vous avez l'impression d'avoir affaire à un slow lambda (piano, violons, choeurs, mélodie calculée). Et à premier abord, vous vous demandez surtout quel est l'abruti qui a demandé à Namie-voix-criarde-Amuro d'enregistrer une grande ballade. Forcément, qui dit grande ballade, dit refrains un minimum chargés (hauteurs, aigus et tout ça). Evidemment, le résultat avec miss Amuro est bourré de fausses notes, de canards et de couacs en tout genre. Pourtant, après plusieurs écoutes, la mélodie se révèle imparable ("calculée", comme je le disais...). C'est culcul mais tellement triste, prenant et poignant ! C'est particulièrement vérifiable sur la deuxième salve de refrains où on repart a capela avec les choeurs avant de sentir l'émotion grimper en même temps que l'instrumentation se charge de nouveau. C'est le meilleur moyen d'être submergé par l'émotion. Vous verrez, on finit même pas s'offrir un duo canardesque avec Namie ("Can you celebrate? Can you kiss me tonight ? We will love long long time!"). Bref, une véritable fin en apothéose comme on en fait rarement aujourd'hui ! Et en fin de compte, le vrai tour de force de cette histoire, c'est que sans Namie, cette chanson ne vaudrait rien (ou en tout cas, pas autant). Les faiblesses vocales confèrent toute sa vitalité à la mélodie tant on sent que la chanteuse fait un effort colossal pour y mettre corps et âme. En d'autres terme : pas de Namie sur CAN YOU CELEBRATE?, pas de kleenex ! Pas besoin d'être une chanteuse à voix pour bouleverser le petit coeur des gens.
Afin que l'on se remette de nos émotions, TK nous balance une interlude instrumentale très dynamique qui joue dans la même cours que Concentration 20, c'est-à-dire le pop rock industriel à batterie clinquante. C'est rythmé et très sympa, mais ce n'est pas vraiment Namie pour le coup. Cela dit, elle est nécessaire car la transition vers How to be a Girl s'opère mieux que si l'on avait dû passer de la ballade à ce titre pop rock. J'ai bien dit pop rock, mais il s'agit d'un tout autre genre de pop rock que sur Concentration 20. D'ailleurs, il est plus question de rythme que de guitare électrique. C'est le single qui a le "moins" bien marché auprès du public, mais c'est finalement celui qui annonçait le plus clairement le changement d'orientation musical entreprise par Namie. Et il le faisait avec brio, puisqu'il témoigne du soin apporté à l'instrumentation et aux mélodies. De quoi finir un grand album sur une très bonne chanson.
Conclusion : Je crois qu'après ces descriptions élogieuses, je n'ai plus grand chose à ajouter. Je suis totalement acquise à la cause de cet album. Namie cherche à quitter la dance et élargit son horizon pop. C'est peut-être moins "Namie Amuro" que sur les singles, mais au moins, on ne nous a pas servi un album décevant. Au contraire, on est face à des pistes variées et solides du point de vue instrumental et mélodique. Certes, toutes les chansons ne sont pas des tubes, mais elles sont d'une qualité constante du début à la fin. Seule To-day paraît bien plus faible que le reste. Mais combien d'albums peuvent se vanter de présenter 10 (11 en comptant l'interlude) pistes réussies ?! Et combien d'entre eux peuvent aussi se vanter de varier les sonorités à chaque morceau ?! Reste la voix de la chanteuse, toujours criarde et toujours propice aux fausses notes, en dépit d'un progrès par rapport au premier opus. Mais cela ne change rien au fait que Concentration 20 est un monument.
Note : 10/10
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