Critique publiée en juin 2012
DIFFICILE DE PASSER DERRIERE L'INOUBLIABLE THE FAMILY JEWELS

Ce deuxième opus propose 12 pistes, qui explore le personnage qu'elle s'est créé : Electra Heart. Cette jeune fille imaginaire baigne dans l'univers et le mythe américain, avec ses visions de l'amour, de la jeunesse et de l'avenir. Pour exploiter le concept à son paroxysme, Marina a troqué ses instrumentations si particulières. En effet, alors qu'on pouvait entendre un certain nombre de sonorités rétrospectives, ou en tout cas authentiques dans l'excellent The Family Jewels, Electra Heart plonge ouvertement dans la mode du moment. On se retrouve ainsi avec beaucoup de sons électroniques et/ou synthétiques. Le premier single, Primadonna, illustre parfaitement ce phénomène, et va d'ailleurs jusqu'à se servir du filon usé du refrain sans tempo marqué. C'est finalement jouer à quitte ou double : ce nouvel album est globalement plus moderne, fun et facile d'accès que son prédécesseur. Mais il le paie chèrement : il a perdu toute la particularité et l'originalité d'antan.
Marina a-t-elle totalement disparu pour autant ? Non, rassurez-vous ! On retrouve plusieurs de ses textes joliment écrits et mordants. Et c'est avec un certain soulagement que l'on peut constater qu'elle impose son style à ces instrumentales "banales", grâce à son interprétation si particulière. Cela est flagrant sur la très aiguë et sérieuse Fear and Loathing (que peu de chanteuses se risqueraient à tenter...), la très "agressive" Power & Control (où Marina n'hésite pas à exagérer les graves), ou encore sur la piste d'ouverture Bubblegum Bitch totalement déjantée. En fait, cette première piste est un écho direct à Are You Satisfied? qui ouvrait The Family Jewels : même style pop rock enjoué. Comment ne pas citer la sublime Teen Idle qui, de son côté, est l'héritière la magnifique Numb ? Comme quoi, quand elle veut, Marina peut revenir dans son style fétiche. Pour le reste, comme déjà mentionné, l'interprétation théâtrale et caricaturale de la chanteuse compensera plus ou moins bien l'aspect très générique des différents morceaux.
Je dis "plus ou moins", parce qu'il y a des hauts et des bas dans cet album. Là où j'avais trouvé The Family Jewels quasiment intégralement excellent, il m'est d'avis qu'Electra Heart souffre de faiblesses momentanées, pour diverses raisons. Par exemple, Marina a certainement voulu trop en faire avec Homewrecker, qui joue dans la même cour électro que Primadonna. Sauf qu'après son introduction parlée avec le ton s'il-vous-plaît, la chanteuse a décidé de nous percer les tympans en hurlant le plus aigu et le plus fort possible son horripilant pont... C'est généralement là que je zappe la chanson, et je vous conseille fortement de faire de même : question de survie auditive. Living Dead manque aussi son virage à mon avis. Elle rappelle les années 80, comme le faisait The Outsider sur The Family Jewels, mais c'est aussi avec cette piste que Marina a eu envie de lobotomiser le cerveau de ses auditeurs avec un refrain des plus répétitifs. C'est d'autant plus agaçant qu'elle fait suite à la sympathique Power & Control, au style assez similaire. Au contraire, il y a des chansons beaucoup plus "plates", (dans le sens où elles pourraient être chantées par n'importe qui), qui tirent paradoxalement leur épingle du jeu. Je pense notamment à la tristounette et mélancolique Starring Role, ou à la poignante Lies (qui se fait plaisir avec le dub step en vogue).
Conclusion : Electra Heart est un bon album, plus ambitieux que ce qui sort généralement sur l'impitoyable marché de la pop. Marina se fixe un objectif, usant de sa capacité d'interprète théâtrale et de ses paroles cyniques et bien senties pour l'atteindre. Mais à trop vouloir exploiter son concept du rêve américain, la chanteuse s'est perdue dans des sonorités génériques, où elle a alors trop tenté de forcer son chant pour se démarquer. Cela nous donne un album, certes cohérent, mais irrégulier. Chacun trouvera très certainement chaussure à son pied, mais je ne pense pas que l'intégralité de la galette fera mouche. Pour ma part, je retiens surtout les trois pistes qui auraient pu figurer sur The Family Jewels, à savoir la déjantée Bubblegum Bitch, la sublime Teen Idle et la très épurée Fear and Loathing, ainsi que les plus convenues Lies et Starring Role, voire Valley Of The Doll. Sans être raté (loin de là), le reste ne me semble pas du tout mémorable sur le long terme.
PS : les bonus tracks sont au pire agaçantes, au mieux inutiles (oui, même Radioactive, je persiste et je signe !)
Note : 6,5/10
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