Critique publiée en juillet 2014

HYORI EN NOIR ET BLANC

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Pour son cinquième album, la chanteuse sud-coréenne Lee Hyori semble être repartie de zéro. Il faut dire qu’après l’énorme plagiat effectué sur son quatrième opus, ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée. Elle revient donc avec des sonorités rétrospectives et plutôt calmes totalement inattendues de sa part, ainsi qu’avec une image plus adulte, plus glamour et moins flashy. Bien que son album se range toujours dans la pop, les changements visuels et auditifs sont véritablement déroutants. C’est moins entraînant, moins dynamique, et moins tubesque. Mais peut-être a-t-on gagné autre chose au change ?



Monochrome est sans conteste l’album le plus homogène que Lee Hyori ait proposé depuis ses débuts en solo il y a plus de 10 ans. Non pas que ses tentatives plus diversifiées ne fonctionnaient pas. Ses deux derniers albums avaient réussi à offrir des sonorités relativement variées (surtout le troisième) sans donner l’impression de passer du coq à l’âne. Il est malgré tout appréciable de la voir nous fournir un contenu plus « fluide » et cohérent ici. En effet, la chanteuse prouve qu’elle peut nous livrer des albums pop aux influences différentes et à la constitution différente. Assumant pleinement des chansons plus calmes et posées, alors qu’elle avait l’habitude de faire se déhancher la Corée du Sud, Hyori a enregistré 16 titres dont seuls trois morceaux ne sont pas rétrospectifs, voire volontairement vieillots, ou en tout cas pas ouvertement.

C’est un choix déroutant, à l’image de la lente et jazzy Miss Korea, la première piste qui a servi de promotion à l’album. Elle est très sobre dans son instrumentation. Pour du Hyori, elle paraît même totalement dépouillée quand on repense à un « bruyant » Chitty Chitty Bang Bang sorti trois ans auparavant. Et même dans les rares chansons un minimum entraînantes, Hyori privilégie visiblement les sonorités à l’ancienne au « fun » moderne, comme le montre bien l’autre chanson promotionnelle sortie avant Monochrome, à savoir Bad Girl, avec sa petite batterie et sa guitare à la James Bond. Crazy, l’autre piste relativement dynamique (et j’ai bien dit « relativement » !), arbore elle aussi fièrement des sonorités old school, avec une sorte de piano grave qui remplace la basse et propose une rythmique sautillante et légère. Comme son titre l’indique indirectement, l’album est une invitation à replonger dans des sonorités passées, tout en restant très accessible. En effet, il ne faut pas craindre d’être rebuté par tant de sobriété et d’ambiance old school : les chansons et mélodies restent construites comme des morceaux pop plutôt efficaces.

Et d’ailleurs, jamais elles n’avaient été aussi primordiales. Ici, impossible de se reposer sur une musique moderne, efficace, entêtante, omniprésente, écrasante (rayez la mention inutile). Bien que les instrumentations réussissent à se différencier les unes des autres, (ce qui permet aux chansons d’être distinctes), c’est la mélodie et son interprétation qui vont devoir faire une grosse partie du travail pour vendre le projet. Comme vous le savez, Hyori n’a jamais été une grande chanteuse. Elle a une petite voix, sans puissance et sans réelle profondeur, qui va décemment dans les graves et les aigus. Rien d’extraordinaire en somme. Pourtant, comme à chaque nouvel album, elle semble s’améliorer et maîtriser son organe encore mieux. Ainsi, il m’est d’avis que Monochrome est son travail vocal le plus propre et le plus abouti, à l’image de la belle ballade Amor Mio. Elle sait qu’elle n’a pas un énorme atout là, mais elle s’en sert parfaitement pour vendre ses petites chansons sans prétention. Elle parvient même à insuffler un peu de nuance à certains morceaux, et elle excelle d’ailleurs dans la douceur : vous redemanderez des Better Together, des No ou encore des Somebody qui en deviendraient presque hypnotiques.

Enfin, l’album est peut-être homogène, mais les pistes ne sont pas de vulgaires copiées-collées les unes des autres. Comme je l’ai brièvement mentionné, elles apportent chacune leur petite pierre à l’édifice. On a beaucoup de pistes enjouées (l’insouciante Holly Jolly Bus qui me fait penser à du S Club 7, la planante et très agréable Love Radar, la très vieillotte I Hate Myself qui m’horripile avec son rythme sautillant, la pop rock Full Moon qui m’a déçue avec ses refrains trop répétitifs, la 60s, joyeuse et charmante Special, Wouldn’t Ask You la soeur de I Hate Myself en aussi agaçante, la légère Crazy, et enfin et surtout la brillante Better Together). Le reste des titres alterne entre la mélancolie (la jazzy Miss Korea, la ballade old school et jolie Boucned Checks of Love, la sobre et presque sombre Show Show Show), l’agressivité retenue (la James-Bondesque Bad Girls ou encore une fois Full Moon dans son genre), et la tristesse (l’excellente Trust Me à l’instrumentation old school et très classe à renforts de trompettes, de guitare surf, de cloches, de violons et des rythmique à la batterie ; la sobre et très jolie ballade au piano Amor Mio ; et la 60s Someone à la mélodie qui ne semble virevolter de manière totalement prenante et poignante). No, qui clôture en beauté la galette est assez inclassable avec sa douceur ambiante, son instrumentation simple et hors du temps et sa mélodie planante si ce n’est pas onirique. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est une autre grande réussite !



Conclusion : Lors de ma première écoute de l’album, j’étais très déçue. J’avais l’impression qu’il n’y avait aucun tube, et que toutes ces chansons rétrospectives et sobres s’enchaînaient sans donner vie à Monochrome. Je trouvais aussi que la première moitié de l’album était totalement fade, et que seule la deuxième moitié remontait un peu la pente, notamment grâce à un solide combo de bonnes chansons. Plusieurs écoutes plus tard, et maintenant plus d’un an plus tard, mon avis sur la question est bien plus positif. Certes, ça ne ressemble pas vraiment à du Lee Hyori d’avant, même si c’est toujours de la pop. Mais ces sonorités rétrospectives lui vont très bien, comme elle l’avait prouvé sur de belles tentatives comme Swing en 2010. Au final, on a un album cohérent de bout en bout, dont la force grandit à chaque nouvelle écoute. Chaque titre a son charme particulier, et c’est bel et bien grâce aux sonorités old school. Quand j’entends de très bons morceaux comme Someone (ma petite préférée), Trust Me, Better Together, No ou encore Amor Mio, je crois que je leur préfère leur maturité très agréable à l’oreille aux anciens travaux de la chanteuse. Bien entendu, je regrette qu’il n’y ait pas un ou deux gros tubes endiablés bien sentis, mais cela retirerait aussi tout son charme à ce beau projet. Parce que oui, Monochrome est un travail très solide, dont l’écoute est très facile et qui gardera facilement toute sa saveur en vieillissant puisqu’il est déjà rétrospectif. Pour finir sur une autre considération positive, j’apprécie le fait que Hyori nous fournisse des albums qui ne suivent pas forcément la mode du moment, puisqu’elle s’était déjà tournée vers le hip hop quand tout le monde faisait de l’électro en 2010. On est loin de ses deux premiers albums, et j’espère qu’elle continuera à tracer son humble chemin, parce qu’elle est décidément plus qu’un simple physique maintenant !

Note : 9/10

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