Critique publiée en juin 2012

UNE ASSEZ BONNE SURPRISE

Après ses deux premiers albums solo plus que moyens et un Call My Name qui me semblait terriblement cheap, je n'attendais rien de A Million Lights de Cheryl Cole, (désormais appelée Cheryl tout court). Pour défendre son album partout où elle passait, la belle brune a expliqué qu'il était fait pour que l'auditeur se sente bien. Preuve qu'un objectif clair a été posé pour ce nouvel opus : la pop sans complexe, facile à écouter et simplement accrocheuse. Cela confère une cohérence qui transparaît rapidement à l'album. Il ne faut pourtant pas se fier à Call My Name pour se faire une idée du nouveau style de la chanteuse. A Million Lights est facile d'accès parce qu'il est relativement posé. A priori, ce n'est pas une bonne nouvelle étant donné que Cheryl n'a jamais brillé avec sa voix. Or, en plus des quelques ballades, les mid-tempos abondent. Et pourtant ! Il se trouve qu'elle a fait du bon boulot !



Bonification progressive

A Million Lights ne se définit pas lors de la première écoute qu'on lui accorde. En effet, sans paraître mauvais, il peut sembler bien fade lorsqu'il se dévoile. Et ce n'est pas la deuxième ni même la troisième écoute qui changent cette impression de transparence. En fait, c'est un peu la même chose avec Call My Name. Ce single leader ne m'avait pas du tout convaincue lors de sa sortie, et ce, même après plusieurs tentatives. A mes yeux, la chanson était trop passe-partout, en dépit d'un refrain très accrocheur et d'une rythmique très entêtante. Aujourd'hui, je trouve que c'est l'une des meilleures chansons de l'album, à tel point qu'il m'est arrivé l'impensable : l'écouter en boucle pendant plusieurs heures... Et ce n'est absolument pas pour sous-entendre que le reste de l'album est encore "pire" que ce single, mais pour affirmer haut et fort que, comme pratiquement tout le reste, la chanson s'est révélée meilleure à chaque écoute. Pour faire dans l'analogie imagée, c'est un peu comme le café : lorsque l'on en boit pour la première fois, c'est amer et on ne comprend pas pourquoi tout le monde en boit. Et puis, on avale le bravage régulièrement pour finir par l'apprécier. (Cela dit, c'est une très mauvaise comparaison pour moi, étant donné que je déteste toujours le café aujourd'hui. Mais rassurez-vous, le cas de A Million Lights est tout autre !). Néanmoins, avant que vous ne commenciez à penser que l'album est une bombe, je me dois de calmer vos ardeurs. Un album de Cheryl ne serait pas un album de Cheryl sans quelques ratés.

Tout d'abord, parlons bouses infâmes. Oui ! Il y en a, toujours fidèles au poste ! Je me demande quand même qui est le petit rigolo qui valide leur présence dans la tracklist finale, parce qu'elles ne sont même pas dignes d'être des pistes de remplissage... Après l'ignoble Let's Get Down, et autre Boy Like You, notre Girl Aloud nous sert une certaine Boys Lie. Ce truc est d'une platitude qui défie l'imagination. La musique n'a jamais paru aussi vide ; pourtant, on en a eu des musiques vides avec Chezza ! On atteint donc un nouveau fond avec une instrumentation dépouillée, (à croire qu'elle avait été cambriolée hihihi), mais alourdie par un vieil effet dubstep (dont Cheryl a un peu abusé sur l'album). Avec cette vacuité instrumentale, difficile de créer la moindre harmonie mélodique, surtout que la voix de Cheryl n'est pas extraordinaire à la base... Le pire, c'est qu'elle s'investit vocalement bien plus que d'habitude, et nous gratifie d'un chant des plus agressifs, qui colle parfaitement au thème (bouh, les garçons mentent !). Elle pensait peut-être sauver le titre... sauf qu'elle l'enfonce plus bas que terre tellement ça part en couac. Ah la la ces couplets inaudibles ! Aussi, le message est le suivant : zappez-la !!! Mais n'arrêtons pas là la description détaillé du massacre musical qui a lieu. Concentrons-nous maintenant sur l'autre bouse qu'est la ballade Telescope, la face B que Cheryl a réussi à refourguer sur son album. Il s'agit d'une ballade tristounette, très vide musicalement (pour changer), qui se la joue piano-voix. Aucune émotion ne transparaît. Pour vous la faire courte, ça ne décolle jamais. Et pour reprendre mon cher Jossounet dans l'une de ses appréciations musicales sur le forum, "c'est caca".

D'autre part, dans la catégorie "points faibles", on peut malheureusement généraliser les instrumentations fades et sans ambition des deux chansons précédemment décrites à tout l'album, exception faite de Under The Sun, Call My Name, Make You Go et dans une moindre mesure One Thousand et deux pistes bonus. Je vais d'ailleurs tout de suite les évoquer en détails : Under The Sun est insouciante et bénéficie d'une instrumentation nikel comparée au reste. C'est enjoué, frais, bien chanté et juste assez rythmé pour être nonchalant et insouciant. Bref, sans être un gros tube, c'est parfait pour l'été. De son côté, Call My Name finit par réussir sa mission de lavage de cerveau grâce à ses refrains contagieux et entêtants, qui permettent de passer sur la musique un peu vide, mais néanmoins marquante grâce à sa rythmique régulière. La dansante One Thousand réussit là où Last One Standing échoue, notamment grâce à ses batteries militaires qui boostent le rythme, et surtout grâce aux refrains électro et agités immanquables, en dépit de leur répétition. Make You Go est la plus grande réussite instrumentale de l'album (mais il me semble qu'il y a du sample dans l'air... Ceci explique donc cela). Comme Under The Sun, c'est enjoué, joyeux et parfait pour l'été. Les arrangements et effets sont excellents et cette ancienne face B dévoile toute sa grandeur cachée. Cerise sur la gâteau : Cheryl est parfaitement à l'aise sur les graves et sa voix est en valeur tout le long du titre. Enfin, il y a les deux pistes bonus I Like It et Dum Dum. Bien qu'elles n'égalent pas la précédente, elles ont chacune leur petite ambiance. La première joue sur le reggae/tropical pour une atmosphère sexy. Sans que ce soit particulièrement frappant, c'est correct et prenant. La seconde est bien plus tubesque que l'on pourrait le croire. Son petit air électronique egyptien est envoûtant : une parfaite mise en bouche pour nous préparer à l'hypnotisation constante qui s'opère dès que Cheryl entame la mélodie principale (qui fait "dum dum dum...", c'était donc ça !). Sans mentionner les simples mais non moins percutants "put the bass in my face". En plus explosif et développé, je crois qu'il y avait là de quoi faire un énorme tube...

Vacuité instrumentale

En ce qui concerne le reste de l'album, toutes les musiques ont cet air désespérément vide. On se demande pourquoi les compositeurs et arrangeurs n'ont même pas eu l'idée d'étoffer tout ça un bon coup, quitte à faire quelque chose de très commun. De toute manière, les pistes ne sont pas extraordinaires à la base. On ne leur demandait pas la lune. Simplement des musiques normalement constituées et consistantes. Or, à l'image de All Is Fair (la pire du lot en matière de vide musical intersidéral), c'est extrêmement plat. C'est d'autant plus dommage que les chansons ne sont pas mal. Le résultat global, c'est aussi que comme sur les deux premiers albums, on a l'impression que Cheryl nous a refilé des chansons qui en sont resté à l'état de démo ! En trois albums, elle n'a toujours pas réglé cet agaçant problème. Cela lui porte préjudice par rapport à d'autres stars de la pop, puisqu'on a toujours la désagréable sensation d'avoir affaire à un travail inachevé et/ou vraiment peu ambitieux : le strict minimum vital (que même Namie Amuro en mode-grosse-feignasse-comme-en-ce-moment n'oserait pas nous livrer). Je ne sais pas ce qui est le pire dans cette histoire : qu'elle ait eu plus de temps pour peaufiner son album et pouvoir éviter ce genre de problème, ou qu'elle ait paradoxalement eu quatre instrumentales tout à fait correctes prouvant que toutes les chansons auraient pu être soignées... Dans les deux cas, on reste malheureusement dans le conditionnel.

Avec ces fameuses musiques de démos, on se retrouve avec deux cas de figure : soit il n'y a rien à faire pour la pauvre victime, soit quelque chose sauve la chanson du naufrage. Dans la première catégorie, on peut lister le sempiternel coucou de will.i.am, qui n'aura décidément réussi que la sublime 3 Words. Il nous avait déjà gratifié de l'ennuyante Live Tonight sur Messy Little Raindrops, et il réitère aujourd'hui avec Craziest Things, qui, Dieu merci, n'a pas été un single comme le voulaient les premières rumeurs autour de l'album. On l'a échappé belle ! Le rythme est plus marqué que sur son oeuvre sus-citée, mais c'est toujours très lent, très plat et très répétitif. Et puis, la grosse dose de vocoder sur les couplets étouffe trop les voix à mon goût. Le petit massacre continue sur Girl In The Mirror. C'est déjà plus entraînant, mais la musique est tellement basique que la mélodie ne s'harmonise pas du tout avec ! Ainsi, les ponts et les refrains sont extrêmement maladroits, et les ad-libs sont mises en avant pour essayer de donner de l'ampleur à tout ça. En vain. La sauce ne monte pas et puis c'est tout. Je vais me faire des ennemis sur ce coup, mais l'une des pistes les mieux reçues auprès des internautes, Sexy Den A Mutha, me paraît aussi agaçante que répétitive. Non seulement l'instrumentation est minime, mais en plus il faut supporter des refrains pas inspirés qui répètent 36 fois "sexy den a mutha mutha, you got me feelin'...". J'ai envie de dire "you got me feelin' more than extremely bored" hein. Une piste dance du pauvre qui fait pâle figure, même à côté de Stand Up! du premier album (pourtant, ce n'était pas non plus le plus gros tube du genre...). Cheryl peut aussi se rhabiller avec Last One Standing, un mid-tempo faussement dance et synthétique, qui hérite de l'irritante Waiting du précédent album. Sans être désagréable, elle n'a aucune saveur, surtout qu'elle se fond immédiatement dans la masse de l'album. Enfin, la piste bonus Teddy Bear est mignonne et très niaise. C'est tout léger, tout joli, tout doux, et aussi tout soporifique.

Heureusement pour nous, il y a aussi la deuxième catégorie de titres, à savoir ceux qui sont miraculeusement sauvés. Le combo A Million Lights/Screw You est tout à fait plaisant. La première est une très belle ballade avec une batterie bien sentie où Cheryl n'a pas trop besoin d'aller dans les aigus, et peut donc faire un travail vocal propre et touchant. Plus les écoutes s'enchaînent, plus elle devient poignante. Screw You est une petite bombe en son genre : entraînante grâce à son tempo plus rapide que celui de la plupart des pistes, accrocheuse grâce à un débit de paroles rapide, et engageante grâce une interprétation légèrement agressive (pas trop poussive comme sur une certaine Boys Lie...). On pourra néanmoins regretter que le dernier refrain ne soit pas plus explosif, parce qu'il y avait vraiment matière à exploiter ici. La malédiction des musiques non développées a visiblement eu des effets indirects sur les instrumentales initialement épargnées... Tant pis ! A défaut d'être extraordinaire, le mid-tempo Love Killer nourri au dubstep fait office de bonne piste de remplissage. Méfiez-vous, il peut même devenir momentanément accrocheur. Ghetto Baby est une autre chanson sympathique grâce à des refrains envoûtants. C'est écrit par Lana Del Rey, ce qui ne "saute pas aux oreilles" quand on considère la musique minimaliste. Mais Cheryl s'est fait plaisir en imitant les intonations et mimiques de la chanteuse. Bien sûr, ça ne vaut pas le pur Lana Del Rey dans ses meilleurs moments, mais finalement, la Girl Aloud s'en sort plutôt bien. Enfin, les ballades Mechanics Of The Heart et All Is Fair sont fades à premier abord, mais gagnent peu à peu en force, pour finir par paraître très bonnes, à la Call My Name. Elles font aujourd'hui partie de mes petites préférées, parce que Cheryl livre sa meilleure interprétation dans ces quelques minutes, et puis parce que les mélodies sont accrocheuses grâce à leurs petites envolées, parfaites pour un petit karaoké en solo ("to mend your heeeeeaaaaaaart..."; "this is waaaaaaaaaaaaaaar..."). La première est certes très cul-cul, mais vraiment trop mignonne, et la seconde dispose d'une ambiance chargée et "fataliste" (c'est un grand mot) qui fait mouche. Finalement, on a un assez joli paquet de titres sympathiques et faciles d'accès.



Conclusion : A Million Lights traîne son lot de boulets. Les chansons absolument bombesques et incontournables ne sont pas bien nombreuses (Call My Name, Screw You et c'est déjà tout). Avec sa petite voix standard, Cheryl n'est toujours pas devenue une formidable interprète, bien qu'elle fasse du mieux qu'elle peut et qu'elle n'ait pas laissé de canards derrière elle cette fois (exception faite de Boys Lie, mais cette piste étant un raté total, on n'était plus à cela près). Enfin, le défaut agaçant et récurrent concerne les instrumentations et arrangements tellement minimalistes que l'on a l'impression d'écouter un ensemble de démos inachevées. C'est plat, vide, fade, transparent, bref : pas très reluisant. Pourtant, A Million Lights est paradoxalement un assez bon album pop. Beaucoup de mélodies se révèlent terriblement accrocheuses, et permettent à l'album de gagner en charisme au fur et à mesure des écoutes. Ce qui lui confère une bonne "durée de vie" si je puis le présenter ainsi. On écoute certaines pistes avec un plaisir coupable. Et finalement, n'est-ce pas ce que l'on attend avant tout de la pop ? Le divertissement fonctionne donc à merveille sur une bonne moitié de l'album, et particulièrement sur les ballades (oui, comme sur Messy Little Raindrops : comme quoi Cheryl frappe fort là où on l'attend le moins). Je ne m'attends pas à ce que l'album vieillisse bien sur le long terme, mais au moment de sa sortie, il n'est pas aussi mauvais que redouté. En fait, c'est même le meilleur album de Chery à ce jour.

Note : 7/10

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