Critique publiée en juin 2012

BALLADES A TOUTES LES SAUCES

On dirait qu'il s'est passé une éternité depuis la dernière fois où j'ai ressenti l'envie d'écrire quelques lignes à propos de la musique d'alan. Je crois que c'est assez révélateur, et plutôt bon signe pour Love Song, l'album dont il est question aujourd'hui. En effet, la jolie demoiselle vient tout juste de sortir un nouvel opus en Chine. C'est son premier album chez sa nouvelle maison de disque, son deuxième en major, et son quatrième en tout. Connaissant la chanteuse, on est dans l'expectative évidente de ballades en grand nombre, d'autant plus que sa carrière chinoise propose un tempo moyen encore plus lent que celui de sa carrière japonaise. Mais qui dit nouvelle maison de disque, dit nouvelles règles et changement. Peut-on donc sentir le souffle frais de la nouveauté toucher le répertoire de la miss? Ou est-ce qu'on aurait pu s'attendre à la même chose sous le giron d'Avex ? Et surtout, est-ce que l'album est réussi ?



Petite piqûre de rappel

Il me semble utile de rafraichir les mémoires, ou même de leur apporter des informations nouvelles (parce que je ne suis pas certaine qu'alan soit connue par tous les visiteurs de ce site qui auraient eu le courage ou la curiosité de venir jusqu'à cette petite critique. Oui, je pense à toi, auditeur de Cheryl et autres Saturdays !). alan, jeune Chinoise, a été découverte par les Japonais d'Avex Trax en 2006. La puissante maison de disque l'a lancée au pays du soleil levant avec des ballades, souvent ponctuées de sonorités traditionnelles. Il se trouve en effet qu'alan dispose d'un talent vocal particulier et pas forcément "voyant" si l'on se fie à sa petite voix innocente : elle est capable de sortir de longs cris hauts et suraigus du fond de ses tripes. Mais le public n'accroche pas, si bien qu'elle est réorientée vers la pop pure (voire niaise et transparente en fait...) dans l'espoir de rapporter plus de bénéfices. En vain : ses ventes plus que modestes n'évoluent ni vers le haut, ni vers le bas. En parrallèle à la pluie de singles japonais que la jeune demoiselle a dû sortir, Avex l'a "autorisée" à mener une carrière dans son pays natal.

Malheureusement, j'ai toujours eu l'impression que le travail était grossier et bâclé afin de revenir le plus rapidement possible au Japon. Ceci explique d'ailleurs pourquoi les deux premiers albums major d'alan en Chine sont composés uniquement (ou presque) de versions chinoises de ses morceaux japonais. C'est là le signe clair des priorités de la maison de disque (ce n'est pas tellement surprenant puisque l'on avait droit à un procédé similaire avec la carrière coréenne de BoA en 2002 et 2003). Non seulement il n'y a rien de nouveau à se mettre sous la dent, mais en plus il faut faire face à des chansons chinoises précipitées, où la jolie voix d'alan est parfois ...laide. Et vas-y que je te laisse des canards par ci par là, même sur les notes les plus délicates pour les oreilles. Je n'ai donc jamais vraiment aimé la carrière chinoise de la chanteuse. C'était du réchauffé, et du réchauffé abîmé au passage. La perspective du changement de maison de disque en Chine avait donc au moins un point positif d'emblée : adieu les adaptations de chansons japonaises. De plus, le travail original, exclusivement destiné à son pays, laissait espérer un enregistrement dans les règles de l'art par la même occasion. Et pour couper court au suspense : c'est heureusement bien ce qui s'est passé !

Entre les mailles du filet C-pop

Cela n'est néanmoins pas synonyme de grands bouleversements musicaux. On ne sera donc pas surpris de retrouver alan sur des ballades. Des 12 pistes composant Love Song, on a affaire à 9 nouvelles ballades, si l'on fait abstraction de l'introduction, du mid-tempo BABY BABY et la version japonaise de Love Song (la chanson). La chanteuse reste dans un registre pop tout du long. Ce qui rend l'ensemble des morceaux tout à fait accessible. J'ai d'ailleurs l'immense joie de dire que ma plus grande peur suite au changement de maison de disque ne s'est pas avérée fondée ! Je ne suis pas vraiment fan de C-pop, parce que les albums de ce style proposent trop de ballades à mon goût. En soi, elles ne sont pas le vrai problème. Non, le virus caché, c'est que ces fameuses ballades C-pop typiques me paraissent toutes lentes, mièvres, vieillottes et Ô combien soporifiques (piano, violons grandiloquents, et effet poudre de fées). Aussi, quand elles débarquent en nombre, elles deviennent toutes aussi ennuyantes les unes que les autres, si bien que l'on a l'impression d'écouter la même chanson-somnifère tout au long de l'album. Je craignais en toute logique que la carrière chinoise d'alan, désormais entièrement gérée et dépendante du marché C-pop, ne l'aiguille sur cette infame route. Une seule chanson est passée dans le moule : Wo Lui Lai Le ou I'm Back (ou la piste 7 si vous préférez). L'ironie du sort, c'est qu'elle n'est pas tellement désagréable en fin de compte (ou comment démonter toute ma théorie en 1 seconde...). Il faut dire qu'elle est située entre deux des pires chansons de l'album aussi : ça aide !

Dans la majorité des cas, alan nous propose donc des ballades pop lambda, mais qui ont le mérite de disposer d'instrumentales au goût du jour. Ainsi, en plus d'un piano ou de quelques violons synthétiques, des guitares, une batterie et même un synthétiseur viendront tour à tour se greffer aux instrumentations. Prenez par exemple la piste 9, 經過南青山, elle arbore fièrement des airs pop rock assez inattendus (surtout chez alan). Un vocoder passe même faire un petit coucou lors du deuxième couplet (la révolution est en marche !). Cela dit, je ne suis absolument pas friande de ce morceau tellement les refrains me paraissent plats. Ils ne ressortent même pas par rapport aux couplets... Reste qu'en dépit de la modernité, le syndrome de la mièvrerie frappe à plusieurs reprises : la piste 6, trop rose bonbon, me semble être la pire illustration du phénomène. C'est d'ailleurs à cause d'elle, ou plutôt grâce à elle, que I'm Back paraît sympathique malgré son aspect très vieillot et dépassé. Dans un autre genre de niaiserie, l'autre voisine de I'm Back souffre d'horripilants refrains voulus mignons mais dégoulinants (ce qui d'autant plus dommage que les couplets étaient intéressants). Mais allons, les autres ballades sont plus enthousiasmantes, même si elles jouent toutes dans un style similaire.

Entre pop et tradition

Rassurez-vous tout de suite : en dépit de son homogénéité assez prononcée, Love Song a cette qualité qui fait que chaque chanson se distingue assez facilement des autres, tout en laissant l'album conserver cohérence et ambiance en parfaite harmonie. On a par exemple la piste 2 qui surfe sur les arrangements Avexiens qu'alan a connus au Japon (et qui a donc un léger côté Ayumi), la très jolie Love Song qui s'appuie sur des refrains légers et virevoltants, ou encore la très agréable lan lan qui est plus douce, enjouée et tournée vers le soleil avec ses guitares. Mais surtout, la grande surprise vient du fait que la chanteuse a opéré à un retour aux sources assez jouissif. D'ailleurs, le ton est clairement donné avec l'excellente introduction qui renoue avec les sonorités traditionnelles qu'elle nous livrait très souvent autrefois : harpe, petite clochette, instrument créant une sorte de vibration grave, instrument à vent ethnique, choeurs traditionnels. Tout est là pour nous faire voyager l'espace de 2 min 30. Le retour à la réalité est assez dur, même si la piste 2 est sympathique. Il est assez ironique que la carrière chinoise de la chanteuse fasse marche arrière et l'amène à exploiter son talent (comme avec Hu Huan fin 2010), alors que sa carrière japonaise avait tout fait pour l'en éloigner. En tout cas, ce combo entre tradition et pop rappelle immédiatement pourquoi alan s'était immédiatement fait remarquer avec son premier single. Pourtant, il ne faut pas trop en espérer. Par exemple, jamais alan ne nous sert son fameux long "cri tibétain". On peut le regretter tant il est capable de procurer de longs frissons à l'auditeur. Mais autant nous réjouir du retour au bercail de notre chanteuse, aussi bref soit-il.

On la retrouve ainsi avec plaisir sur la piste 3, une chanson lente intégralement "old school". L'instrumentale rappelle les musiques chinoises traditionnelles, et alan nous sert une interprétation aux petits oignons. Sa voix est douce, mais forte, traînante quand il le faut afin de créer la petite touche ethnique qui sublime le tout. Dans le deuxième couplet, elle a l'occasion de nous démontrer toute sa force vocale en montant la hauteur de la mélodie d'un cran. C'est ce qui se rapproche le plus de son chant tibétain, et c'est toujours aussi beau. Il y a quand même un petit hic dans ce merveilleux conte de fées auditif : la musique, aussi belle soit-elle, a trop tendance à étouffer la voix de la chanteuse. Alan n'étant pas Cheryl Cole, elle n'en avait vraiment pas besoin... La piste 10 se fait attendre, dans le sens où on ne croyait plus avoir droit à une piste similaire. Dans un genre plus dépouillé (presque piano-voix), alan nous invite à un joli petit voyage. Sa voix douce et aiguë crée le contraste parfait avec le rythme lent, les vocalises traditionnelles en fond, et la voix masculine rocailleuse (à la Micro of Def Tech si vous connaissez). En tout cas, ces deux chansons sont les petites perles de l'album, avec les jolies Love Song et lan lan. Reste l'ovni BABY BABY, le seul mid-tempo, parachuté en fin d'album. C'est très niais, et ça dégouline de synthétiseur du début à la fin. Le refrain est horripilant. Je soupçonne alan d'avoir voulu avoir son Baby à elle (vous savez, la chanson de Justin Bieber...). Elle aurait mieux fait d'en rester aux ballades ! Surtout qu'elle laisse ici deux-trois notes assez "limite", notamment à la fin du refrain...



Conclusion : Si vous êtes allergiques aux ballades, passez votre chemin. L'album est à 90% composé de pistes lentes, et ce n'est pas le mid-tempo final qui change la donne, surtout qu'il est assez mauvais à cause de la niaiserie ambiante et de l'overdose de synthétiseur qu'il provoque en même pas 4 minutes. Les ballades sont surprenamment réussies et distinctes pour un album de C-pop. Elles sont dans l'air du temps là où je craignais des instrumentations dépassées. Evidemment, elles ne marqueront pas toutes les esprits, certaines étant trop mièvres, d'autres trop fades. Mais disons qu'une bonne moitié de l'album se révèle agréable, quand ce n'est pas plus. Certes, rien n'égale les Ashita e no Sanka et Kuon no Kawa, mais alan est toujours là. Elle nous rappelle qu'elle possède toujours une aussi jolie voix, et qu'elle est capable de faire de très jolies chansons pop sans prétention. Et puis, Love Song est court, ce qui lui permet d'être tout à fait digeste et léger. C'est donc un bon album de ballades, et très certainement le meilleur album chinois d'alan.

Note : 7/10

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